Oasis - The Shock Of The Lightning



Transport. Motorways and tramlines. Starting and then stopping. Taking off and landing. The emptiest of feelings. Sentimental drivel. Climbing onto bottles.

lundi 15 septembre 2008

Rock en Seine - 28 et 29 Aout 2008


Il flotte comme un air de vacances prolongées dans le parc de St Cloud en ce Jeudi 28 Aout. Bonne humeur, queues interminables, bière chaude et débardeur. Bienvenue dans le plus grand camp(ing) de vacances de la région parisienne. Encore plus fort que Paris Plage, Rock en Seine !

Petite visite des lieux, on se rend compte que le prix des consommations est astronomique. Pourtant il y a plus de stands de restauration que d’étoiles dans l’univers. Curieux. On se dirige vers la scène de la Cascade pour la première attraction de la journée, These New Puritans. Grosse déception. La groupe arrive avec une bonne demi-heure de retard et ne parvient jamais à décoller. 4 musiciens…ou plutôt 3, la seule présence féminine du groupe restant cloitrée derrière son MAC. Elle faisait un pinball et répondait à ses mails diront les mauvaises langues. Le plus triste étant que ce n’était peut-être pas impossible… Heureusement que Hot Chip chauffe la grande scène avec son énergie habituelle. Seul bémol, à l’instar de son inégal deuxième album Made in the Dark , le groupe termine son set avec une bancale ballade. Dommage. Tiens une case horaire vide. Enfin pas tout à fait puisque The Do bidouille sa difforme marmelade sans sucre sur une scène de la Cascade pleine comme un œuf. Déprimant. Alors on en profite pour aller se faire dédicacer ce que l’on peut par Tricky au stand F*AC –Eh non ! Pas de pub sur l’Indie Rock Mag ! Poignée de main, félicitations pour son dernier album et sourires lorsqu’il se rend compte que l’on partage le même prénom. C’est déjà ça.

Retour à la scène de la Cascade qui fait le plein pour les Dirty Pretty Things, surement le concert le plus jeune de ces deux jours. Plus générationnel que réellement bon, Carl Barat, dont le seul mérite est au final d’avoir participé à l’aventure Libertines, et sa troupe feront danser et bouger le public comme jamais depuis le début du festival. Surprenant lorsqu’on a entendu son dernier disque franchement moisi. Défoulant.

L’heure est ensuite au rassemblement de masse sur la Grande Scène pour les Kaiser Chiefs. A la faveur d’un mouvement de foule durant la radiophonique Ruby on se retrouve au premier rang. Aucune surprise pour la suite. Un show calibré de groupe de stade mais efficace. Du déjà fait 132 fois avant eux mais on se prend au jeu. Angry Mob est repris par la foule et tous les titres provoquent l’hystérie d’un public déjà tout acquis à la cause des anglais. Rigolo.

Les choses deviennent sérieuses à 21 heures lorsque Tricky, qui n’a pas changé de tenue vestimentaire entre temps, fait son apparition au domaine national. Le petit gars de Knowle West a pris du volume et livre un show où il se donne à fond. Peut-être même un peu trop, tant est si bien que l’on a parfois l’impression qu’il joue plus pour lui que pour le public. Qu’importe. Les morceaux de Knowle West Boy sont encore plus phénoménaux en live. Council Estate est parfaite, et Puppy Toy prend une dimension incroyable. La choriste et les musiciens sont parfaits. REM peut trembler.

Car c’est ensuite autour du groupe d’Athens, Georgie, USA –tout cela est toujours aussi bizarre à écrire m’enfin bon- d’entrer en scène sur la plus grande d’entre elles. Privilège de tête d’affiche, les écrans géants –bien abimés soit dit en passant- ne font pas que retransmettrent bêtement la performance mais bénéficient d’une mise en scène qui rappelle étonnamment Radiohead. Bad Day entame les hostilités d’une foule qui a pris 25 ans en quelques heures depuis les Kaiser Chiefs. Sans grande surprise, le trio –accompagné de plusieurs musiciens studio- livre une performance sérieuse, rodée et plus que correct. On notera la beauté fracassée d’un Drive encore plus émouvant que sur disque et la clameur du public sur Imitation of Life et Losing my Religion. Mais c’est le dernier morceau du set principal, le génial It’s The End Of The World qui remportera la palme. Pas transcendant, mais très plaisant.

On revient le lendemain. C’est une performance lorsqu’on est revenu par un métro bondé où la mort par asphyxie n’était jamais loin. On savoure donc d’être encore en vie et on apprécie Louis XIV sur la grande scène. Carré, très pro devant une audience assez réceptive malgré la chaleur qui s’abat sur Paris en ce vendredi, les américains font le boulot, même si le chanteur rappelle beaucoup trop Jack White. Pour ce dernier il faudra attendre encore quelques heures.

On attend nettement plus de dérision de la part de Jamie Lidell sur la Cascade. La chaleur est accablante est l’anglais est rigolo. Problème il entame son set par une expérimentation de 20 minutes qui semblent en durer 370. Et en plus ça fait du bruit…beaucoup de bruit. Mais lorsqu’il entame l’interprétation de son dernier disque, Jim -dont on a toujours autant de mal à se dire qu’il est sorti sous Warp- le spectacle décolle. Lidell fait ressortir sa vraie nature de frontman accompagné par la batterie du non moins rigolo Mocky. Sur Little Bit Of Feel Good, Gonzales prend le piano et on se retrouve avec une paire de patronymes superbement ridicule. Ça saute, ça plaisante ("On m’a dit que cette chanson passe à la radio…on va voir si c’est vrai") et ça chante. Bref, Jamie Lidell, c’est rigolo, ça fait du bruit et c’est même parfois très bon. A la fin du concert on récupère un vinyle gracieusement distribué par le staff.

Entendu allongés depuis les transats du stand S*R, le set de The Roots parait très sérieux et le combo ose même des reprises de Sweet Child O’Mine et Immigrant Song. Pro.

On se masse ensuite pour les Raconteurs après avoir hésité avec les Black Kids se disant finalement que j’ai assez soutenu ces loosers de Jacksonville comme ça. Grosse affluence sur la grande scène. Et quand le quartet débarque au son de Consolers of the Lonely, on se retrouve une nouvelle fois dans les premiers rangs. Finalement les mouvements de foule ont du bon. Sauf que garder sa place est bien plus difficile que lors du reste des concerts. La pression est énorme et niveau ambiance le concert est fantastique. Et le plus drôle c’est qu’on ne donnait pas cher de cette performance après le plus que moyen Consolers of the Lonely . Mais pourtant les morceaux, débarrassés de leurs embarrassants cuivres, cordes et cœurs sont fantastiques. Many Shades of Black, lourd et agaçant, devient puissant et génial. Sur Steady as she Goes, seul compte le mouvement de la foule qui vibre comme une seule personne. Au milieu du set Jack White lance un timide “You’re all here for Amy Winehouse ? She won’t Come” L’audience rigole. Sauf que Jacky, lui, n’a pas l’air de rigoler. Sauf que ça on ne le sait pas. Pas encore. On commence à comprendre lorsque les hommes de Nashville remontent pour un rappel d’une demi-heure. La nouvelle tombe. Amy Winehouse ne viendra pas. Huées du public. Encore plus prévisible que le show des Kaiser Chiefs pourtant.

Tout le monde se console en réclamant Justice (oh !). La scène de la Cascade, pas habituée à une telle affluence déborde de tous les côtés. Les français jouent à un volume effrayant et on regrette bien de ne pas avoir pris de bouchons d’oreilles. Pourtant ça n’empêche pas le show d’être excellent. Caché derrière son mur de Marshall, le duo fait danser un public qui se donne à fond pour oublier. La sono pète deux fois –durant Phantom notamment, de loin le meilleur morceau du duo. Dommage- et Justice s’en va au bout d’une bonne heure sans que cette dernière ne soit totalement faite.

C’est maintenant autour de Mike Skinner et The Streets d’avoir la lourde tâche de remplacer la Wino sur la Grande Scène. L’enjeu est grand. Faire plaisir à 30 000 personnes qui ne sont pas venues pour lui. Et pourtant. Le concert est énorme. Moins intimiste qu’il aurait été sur la petite scène de l’Industrie, mais le groupe se fait plaisir. Et bien vite le public se prend au jeu, danse et chante. Mike s’en donne à cœur choix, fait sauter le public, le fait chanter et même…s’asseoir ! Il ose des millions de blagues sur Amy « Je me fous de la gueule du monde » Winehouse « As You Can see I’m not Amy Winehouse ! » ou encore « Amy ? She’s in London, she’s smoking crack ! » et fait chanter une bonne dizaine de fois le refrain de Rehab a un public joueur. Turn the Page et It’s Too Late du génial Original Pirate Material sont magiques. C’est l’extase lorsque, durant le rappel, se rapprochant de plus en plus du public, il finit par traverser la foule et finir par un slam sur une foule aux anges pour regagner la scène. Beau, honnête et superbe. "I have you and you have me" lâche t-il. Cliché, bateau mais sincère donc touchant. Tout le contraire de la présumée tête d’affiche du festival. Ce soir, Mike Skinner et son groupe a mouché tout le monde et offert le plus beau concert du festival, accompagné d’une leçon d’humilité, qu’Amy & co. ferait bien mieux de retenir. Merci.

mardi 8 juillet 2008

Radiohead + Sigur Ros + The Do + The Wombats + Vampire Weekend - Main Square Festival (Arras) - le 06/07/08



Au départ de Lyon, en ce dimanche matin, il pleut des cordes. Le ciel est noir et menaçant et pourtant on est heureux. Heureux car dans quelques heures Radiohead va donner après quelques mises en bouches alléchantes son seul concert en festival cette année en France. Alors dans le train qui nous ammène vers Lille, on tue le temps à coup de Amnesiac , café - hors de prix, merci la Sncf ! - au bar et Hail to the Thief .

Ce n’est qu’en débarquant en gare de Lille Europe que l’on prend conscience de l’ampleur du concert qui va se dérouler le soir même à quelque kilomètres de là. Des hordes de festivaliers déambulent dans la vieille ville et les Ter-navettes entre Lille et Arras sont combles. Pour tuer le temps son visite la très bourgeoise Arras dans un climat où attente et excitation se mêlent habilement. La ville double presque sa population le temps du festival. On se place dans la - longue ! - queue et on prend son mal en patience avant de pénétrer dans la majestueuse Grand’ Place. Ici, devant 27 000 fidèles Radiohead va jouer pour la dernière fois cette année en France.

Il est un peu plus de 16 heures 30 quand la pop surcotée de Vampire Weekend prend possession de la gigantesque scène avec pour mission d’ouvrir les hostilités. Pas aidés par un public presque amorphe et une balance exécrable, les new-yorkais ne s’en sortent finalement pas si mal, A Punk et surtout Oxford Comma font leur effet. Mais trop propre sur eux et surement pas assez volontaires, le quatuor quitte la scène au bout d’une petite demi-heure. Bancal.

Tout le contraire des liverpuldiens de The Wombats emmené par le fils caché de Robert Smith qui, après une intro délirante a capella, font faire bouger pendant 45 minutes le public qui a maintenant complètement pris place. Sur disque le trio est plat et formaté, sur scène il s’en donne à cœur joie, rigole et plaisante ("J’ai mis tout les effets de Jonny Greenwood sur ma guitare" ou encore "On est très heureux et flatté d’ouvrir pour Radiohead et Sigur Ros, j’espère que c’est pareil pour eux) avant de culminer sur leur entrainant single Let’s Dance to Joy Division. La bonne surprise de l’après-midi.

Après ça, changement de décor. La pop pour bobo du masculin féminin des franco-finlandais de The Do (merde comment on fait les "O" barré ?), accompagné d’un batteur studio envahit la scène. Olivia, pied nus, look hippie force trop sur son côté diva qui a tout pompé sur Björk et monsieur bidule truc se contente de quelques "Merci, on est très heureux d’être ici". A part peut-être le single On My Shoulders qui met un peu d’émotion dans le public, la sauce ne prend pas. Ce groupe ne veut décidément pas de moi et je le leur rend bien.

Les apéricubes digéré, les roadies prennent la scène d’assaut pour mettre en place les lumières et les ballons pour Sigur Ros, attendu comme le messie par une bonne partie du public tellement leurs apparitions sont rares et précieuses. En débarquant sur le calme et spatial Svefn-g-englar, les islandais ont déjà fait oublier les 3 heures qui viennent de s’écouler. C’est parti. On ne redescendra plus pendant une heure. Le show est d’une intensité extraordinaire. L’orchestration est incroyable, et quand le groupe est accompagné de cuivres - ce qui porte le nombre de musiciens à 13 - il devient majestueux et presque aussi nombreux que I’m From Barcelona. Les titres du dernier album prennent toute leur dimension et un Gobbledigook à couper le souffle qui se terminera dans un joyeux délires de confettis remporte la palme. Le final, extrait de ( ) , n’est pas en reste. Les hommes et femmes de glace et de feu quitte la scène sous un tonnerre d’applaudissement du public qui demande un rappel qui ne viendra pas. Mais qu’importe, pour la première fois de la soirée on a côtoyé les anges. Fantastique, élégant et (presque) détendu Sigur Ros ne faillit pas, galvanisé par l’enjeu.

La foule se resserre. La tension monte. Les néons se mettent en place. Les 27 000 personnes retiennent leur souffle. Il est 22h00 lorsque le plus grand groupe du monde arrive sur scène sur les premières mesures de l’incroyable 15 Steps. La foule hurle son bonheur. Bienvenue dans les airs. Vous ne redescendrez que 2h10 plus tard. A peine essoufflé par une tournée éreintante, le quintette livre une performance extraordinaire. Airbag, rencontre quelques problèmes de son certainement dû au décollage et Thom Yorke envoie un There There furieux à la foule qui rugit de plaisir. Ça y est. La nuit est tombé et on peut prendre la pleine mesure du jeu de lumière incroyable - et soi dit en passant pas très écolo - proposé lors de cette tournée. Le dyptique Where I End And You Begin/ A Wolf at the Door est le premier grand moment. Hail to the Thief est décidément un immense album. Homogène, intense, fluide et lucide. L'abyssal Climbing up the Walls est encore plus puissant et malfaisant que sur disque et No Surprises, d’une beauté pure et cristalline. A en crever. Simplement parfaite. Tout comme Faust Arp, jouée à la manière de la version de Scotch Mist, avec Thom et Johnny seuls sur scène, qui éclatent deux fois de rire avant d’arriver à dépasser les deux premières mesures. Là aussi c’est beau. De son côté, Jigsaw falling into place est définitivement en train de s’imposer comme l’une des pièces maitresses du groupe en live. Dément.

Ce qui frappe, c’est le décontraction dont fait maintenant preuve le groupe sur scène. Thom gesticule dans tout les sens, Ed sourit et Johnny rigole. Au début de Exit Music, autre moment fort, quelqu’un gueule du fond de la place. Laconique, Thom lance un "Ok, shut up now !" qui fait son effet. Bodysnatchers plie l’affaire dans une version hallucinante bardé de lumière rouges qui font mal aux yeux. 23h20, premier départ. Acclamations. Thom revient seul pour une version épurée de Cymbal Rush au piano ("If I could remember it"). Le temps de l’immense Paranoid Android ("Cette chanson est pour les gens aux fenêtres. We’re sorry for the noise"), on prend conscience que Radiohead a composé la chanson absolue. Le rupture centrale fait couler des larmes d’un public qui "fait la mer avec les bras" comme l’a très astucieusement fait remarquer plus tôt le bassiste des Wombats. On respire le temps du souffle démoniaque de Dollars & Cents avant de replonger sur Idiotheque splendide et intense. Deuxième sortie.

Mais alors que la cause est déjà entendue depuis longtemps, Radiohead revient à nouveau. House of Cards, toujours un peu ban(c)al fait suite à un monstrueux The National Anthem bruituiste, où Johnny s’en donne à cœur joie avec ses bidouillages éléctro. On atteint un niveau proche de l’extase. Street Spirit met un point final à 2h10 de magie. Radiohead a encore gagné. On rentre. Des étoiles plein la tête et True Love Waits, oublié de la soirée et de la tournée, au volume maximum. Les plus grands. Sans hésitation.


Playlist Sigur Ros

svefn-g-englar
sæglópur
við spilum endalaust
hoppípolla/með blóðnasir
inní mér syngur vitleysingur
hafsól
gobbledigook
popplagið

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Playlist Radiohead

15 steps
Airbag
There there
All I need
Where I End And You Begin
A wolf at the door
Nude
Pyramid song
Weird fishes
Climbing up the walls
The gloaming
Faust Arp
No surprises
Jigsaw falling into place
Reckoner
Exit music
Bodysnatchers

---

Cymbal rush
Videotape
Paranoïd android
Dollars and cents
Idioteque

---

House of cards
The national anthem
Street spirit

mercredi 18 juin 2008

Boards of Canada - BOC Maxima


Exhumé des fonds de tiroirs poussiéreux, BOC Maxima fait respirer comme jamais la musique du duo écossais culte. Retour aux premiers jours pour vivre cette épopée fabuleuse.

Chef d’œuvre trop méconnu dans la pléthorique discographie du groupe, BOC Maxima propose en 20 titres et un peu plus d’une heure la transition entre le label original Music70 et les grandes heures passées chez Warp. Disque inconnu du monde, si ce n’est peut-être et ce n’est même pas sûr d’une poignée d’irréductible fans, BOC Maxima est un album curieux et généreux. Sur les 20 titres aussi inquiétants que palpitants et tous grouillants de sons d’un nouveau genre, seuls 4 sont exclusifs à cet album. L’un est issu de l’album précédent, le parfois maladroit mais toujours fascinant Twoism et l’EP qui suivra, Hi Scores, en réutilisera quatre. Mais la plupart d’entre vous, pour peu que vous soyez un tant soit peu attentifs et malins, ce dont je ne doute pas étant donné que vous lisez IndieRockMag, reconnaîtront Wildlife Analysis, Boc Maxima, Roygbiv, Turquoise Hexagon Sun et One Very Important Thought issus du chef d’œuvre reconnu de Boards Of Canada, le bluffant et brillant Music Has Right To Children, premier volet de la glorieuse trilogie signée sous Warp, volet auquel succèderont Geogaddi (2002) et The Campfire Headphase (2005).

Pourtant, cet éclatement en une multitude de petites pierres, qui aurait pu faire perdre tout cohérence à l’ensemble, se retrouve, se rassemble et s’assemble tel un puzzle qui prend vie une fois reconstitué. Car BOC Maxima est un album incroyablement construit et qui respire le sobre génie abstrait et pourtant mélodique du duo comme aux plus belles heures à venir de sa carrière. La musique composée par Michael Sandison et Marcus Eoin est kaléidoscopique mais néanmoins incroyablement lisse et homogène. C’est en fait cet album à qui Boards Of Canada doit sa réputation, méritée au combien de fois, de groupe majeur.

Car c’est ici dans ces 20 titres formant une vaste et inextricable jungle pour terrain de jeu que les écossais expérimentent et mettent au point la formidable formule magique qui leur vaudra leur succès. Dans ce disque magique se synthétise la musique des premiers albums qui laisse présager cet avenir flamboyant. Abstraite, noire mais incroyablement et curieusement mélodique. Boards Of Canada prouve que sa musique ne doit pas autant à Autechre ou Aphex Twin qu’à lui-même. Dans les moments les plus accessibles (Nlogax) on se rend compte à quel point le groupe a influencé Daft Punk dont le manque de créativité, bien que des albums comme Discovery soit toujours aussi plaisants à l’écoute, crève ici les yeux. Radiohead lui-même ira piocher dans le label Warp et cet album pour son fabuleux diptyque Kid A / Amnesiac, réponse venue des années 2000 à l’Album Blanc, double album novateur foudroyant de lucidité, composé de deux albums simples.

Dans ce disque labyrinthique et d’une incroyable richesse les boucles de synthé ne tournent pas en rond, les rythmiques sont oppressantes, la musique ravage tout. L’ensemble est presque organique tellement on le sent vivant. Constamment en mouvement. On perçoit les méandres d’un angoissant univers aquatique dans Turquoise Hexagon Sun avant de s’envoler dans les airs avec l’impeccable M9. Dans les grands moments, comme dans les exceptionnels Carcan et surtout Concourse, trop court et presque pop, on sent bouger les vaporeuses nappes de synthé qui avancent sans cesse vers on ne sait où. On vibre en même temps que cette musique innovante et tellement capitale pour les années à venir.



Là où la musique de leur voisins de label d’Autechre peut parfois sembler trop austère et hors d’atteinte pour parler réellement à l’auditeur, celle de Boards Of Canada est une expérience totale qui emmène l’auditeur, ici voyageur et spectateur fasciné, dans des cimes inconnues pour ne plus jamais le relâcher. Les beats se confondent parfois avec ceux issus du hip-hop, les boucles de synthé sont mélodiques et l’ambiance est parfois plombante à défaut d’être plombée et reste ambiante et presque dansante. Le trip-hop lui aussi n’est jamais loin, Boards of Canada s’en inspirant largement depuis l’aube des années 90 tout en influençant partiellement la passionnante scène de Bristol.

Au-delà de signer ce qui se révèle vite être la pierre angulaire de sa discographie, BOC Maxima forme en 64 minutes ce qui forme, avec peut-être les sus-nommés d’Autechre et Massive Attack et leurs Tri Repetae et Mezzanine, les bases de la musique moderne dont l’influence ira bien au-delà des frontières de l’électro-ambient. BOC Maxima est sans conteste l’album le plus passionnant de la discographie du sobre et génial duo écossais. Sa musique n’est jamais aussi cohérente et indivisible que dans ce disque magique qui n’a pas fini de vous hanter en tant qu’auditeur mais aussi en tant que collectionneur, la recherche du sésame étant particulièrement ardue. Prions juste pour que quelqu’un quelque part se réveille et réédite cette merveille...



dimanche 8 juin 2008

Mes 100 disques à moi

Attention! Ce classement ne revendique...rien du tout.icon_biggrin.gif Aucune objectivité, aucun intérêt évident.doh.gif C'est juste une formidable démonstration de mon égocentrisme et de mon narcissisme. Mes 100 disques préférés de tout les temps. Des disques qui m'appartiennent et qui pour des raisons musicales ou personnelles ont comptés dans ma vie.

Bref, enjoy!peace_&_love.gif


1. Radiohead - Ok Computer - 1997
2. Pink Floyd - Meddle - 1971
3. The Strokes - Is This It? - 2001
4. Lou Reed - Berlin - 1973
5. Blur - Think Tank - 2003
6. The Beatles - Revolver - 1966
7. Pink Floyd - The Dark Side of The Moon - 1973
8. Belle & Sebastian - If you're Feeling Sinister - 1996
9. Neil Young - On the Beach - 1974
10. Yo la Tengo - And Then Nothing Turned Itself Inside-Out - 2000

11. Radiohead - Kid A - 2000
12. The Smith - The Queen is Dead - 1986
13. Television - Marquee Moon - 1977
14. Air - Moon Safari - 1998
15. Portishead - Dummy - 1994
16. Pixies - Surfer Rosa - 1988
17. Godspeed You! Black Emperor - Xanqui U.X.O - 2002
18. Lou Reed - Coney Island Baby - 1976
19. REM - Automatic for the People - 1992
20. My Bloody Valentine - Loveless - 1991

21. The Rolling Stones - Exile on Main St - 1972
22. Sparklehorse - It's A Wonderful Life - 2001
23. Explosions in the Sky - How Strange, Innocence - 2005
24. The Velvet Underground - The Velvet Underground & Nico - 1967
25. The Clash - London Calling - 1979
26. Neil Young - Tonight's the Night - 1975
27. The Libertines - Up the Bracket - 2002
28. Air - 10.000 Hz Legend - 2001
29. Joy Division - Closer - 1980
30. Pink Floyd - Wish You Were Here - 1975

31. Sigur Ros - Agaetis Byrjun - 1999
32. Belle & Sebastian - Dear Catastrophe Waitress - 2003
33. Radiohead - In Rainbows - 2007
34. Sonic Youth - Daydream Nation - 1988
35. The Beatles - Sgt Pepper Lonely Hearth Club Band - 1967
36. David Bowie - The Rise and Fall of Ziggy Stardust (And the Spiders From Mars) - 1972
37. Nick Drake - Pink Moon - 1972
38. Love - Forever Changes - 1967
39. Capitain Beefhearth - Trout Mask Replica - 1969
40. Radiohead - Hail to the Thief - 2003

41. The Beach Boys - Pet Sounds - 1966
42. Magazine - Real Life - 1978
43. The Coral - Roots & Echoes - 2007
44. Nirvana - Nevermind - 1991
45. Weezer - Pinkerton - 1995
46. Mark Lanegan - I'll Take Care of You - 1999
47. The Strokes - Room on Fire - 2003
48. Wire - Pink Flag - 1977
49. PJ Harvey - White Chalk - 2007
50. Goldfrapp - Felt Mountain - 2000


51. Massive Attack - Mezzanine - 1998
52. The Stooges - Fun House - 1970
53. Lou Reed - Transformers tease.gif - 1972
54. The Notwist - Neon Golden - 2002
55. The Who - Who's Next? - 1971
56. Oasis - Waht's the Story? (Morning Glory) - 1995
57. Bob Dylan - Blonde on Blonde - 1966
58. The Smiths - Strangeways Here We Come - 1987
59. Sigur Ros - ( ) - 2002
60. Tortoise - TNT - 1998

61. Cat Power - Moon Pix - 1998
62. New York Dolls - New York Dolls - 1973
63. Yo La Tengo - I Can Hear the Hearth Beating As One - 1997
64. The White Stripes - Elephant - 2003
65. Why? - Alopecia - 2008
66. Nick Cave - From Her to Eternity - 1984
67. My Morning Jacket - Z - 2005
68. Boards of Canada - BOC Maxima - 1996
69. The Smashing Pumpkins - Adore - 1998
70. Radiohead - Amnesiac - 2001

71. The Stones Roses - The Stone Roses - 1989
72. King Crimson - In the Court Of - 1969
73. Sparklehorse - Dreamt for the Years in a Belly of a Mountain - 2006
74. Of Montreal - Hissing Fauna, Are You the Destroyer? - 2007
75. Sly and the Family Stone - There's a Riot Going On - 1971
76. David Bowie - Low - 1977
77. Electrelane - Rock it to the Moon - 2005
78. Tom Waits - Sworfishtrombones - 1983
79. Beck - Sea Change - 2002
80. Autechre - Tri Repetae - 1995

81. The Ramones - End of the Century - 1980
82. dEUS - The Ideal Crash - 1999
83. Queen of the Stone Age - Songs for the Deaf - 2002
84. The Pretty Things - SF Sorrow - 1968/1969
85. Björk - Vespertine - 2001
86. Tv on the Radio - Return to Cookie Mountain - 2006
87. Blonde Redhead - Misery is a Butterfly - 2004
88. Marvin Gaye - What's Going On - 1971
89. The Brian Jonestown Massacre - Methodrone - 1994
90. Ride - Nowhere - 1990

91. John Coltrane - A Love Supreme - 1965
92. The Good, The Bad & The Queen - The Good, The Bad & The Queen - 2007
93. Pavement - Wowee Zowee - 1995
94. Jimi Hendrix - Electric Ladyland - 1968
95. The Sex Pistols - Nevermind the Bollocks - 1977
96. Thom Yorke - The Eraser - 2006
97. Pixies - Doolittle - 1989
98. Johny Cash - Live in San Quentin - 1969
99. The Chemical Brothers - Surrender - 1999
100. MGMT - Oracular Spectacular - 2008

vendredi 6 juin 2008

My Morning Jacket - Evil Urges




Que reste-t-il lorsque l’on est l’auteur de Z , chef d’œuvre atemporel paru en 2005 ? Comment survivre à cette brillante immortalisation des grands espaces américains ? Prairie remplie d’espace, d’air et de temps où, au coucher du soleil, Neil Young rencontrait Matt Elliott et Sparklehorse au coin d’un feu. Car il est bien question de cela. De survie. Survivre à un tel choc telle est la mission épineuse et gigantesque à laquelle s’attaque My Morning Jacket avec son nouveau-né Evil Urges.

Ils sont combien ? Combien à avoir coulé après un chef d’œuvre. Tellement. Television et son Marquee Moon, My Bloody Valentine et son Loveless, Oasis et son What’s the Story ? ( Morning Glory) pour ne citer qu’eux. Au moment où résonnent pour la première fois dans nos oreilles les premières mesures d’ Evil Urges, on a de quoi être inquiet. On a tellement vibré et aimé son magnifique prédécesseur que l’on a envie que les 5 du Kentucky se relèvent. Pourtant l’entrée en matière a tout pour faire fuir. Un premier single éponyme tellement étrange que l’on s’est demandé, lorsqu’il est arrivé à la rédaction d’IndieRockMag, s’il ne s’agissait pas d’une erreur. Des rythmes funky et une voix haut perchée qui rappelle Prince (!).

Est-ce là un moyen de dérouter et de détourner les auditeurs sceptiques afin de laisser les charmes d’ Evil Urges ne s’ouvrir qu’aux plus méritants ? En plage 3, l’horrible Highly Suspicious fait définitivement fuir les plus frêles. Pourtant... pourtant le miracle va commencer.

Quelque part on se doutait bien que le groupe allait se relever et nous entrainer à nouveau dans une contemplation du temps tranquille et paisible où l’on n’aurait qu’à se faire guider. Il ne sera pas exactement question de cela. Car Evil Urges est plus complexe et perfide que pouvaient l’être un Z ou un Tennessee Fire. Il est un aller-retour permanent entre échappées bucoliques et oppressantes atmosphères urbaines. Ces changements, ces mouvements permanents fascinent, entrainent, rendent cet album passionnant et nébuleux. Ils obligent l’auditeur à une attention constante. C’est ce changement qui est le plus notable dans ce disque en agitation perpétuelle. Après les grands espaces, My Morning Jacket nous fait découvrir une autre facette des États-Unis que malgré tout ses excès, ils admirent encore tant. Plus éclatée, à la fois urbaine et pastorale.

Mais les répits accordés, les fuites vers le calme et l’inconnu sont d’une beauté si pure qu’ils en semblent presque effrayants ou tout du moins irréels. Plus clairs et presque débarrassés de cette reverb’ dont on avait parfois l’impression qu’elle cachait quelques carences. Ces quelques doutes sont balayés. Comme une évidence. Les ballades sont nues, limpides (Sec Walkin’, Look At You). Les morceaux s’enchainent de façon tellement limpide que cela en devient presque trouble. Malgré ces changements d’ambiance, l’ensemble est incroyablement cohérent. On est constamment en trajet. Entre la bucolique campagne et une ville qui nous est inconnue. Une Ville, la ville. Dense et oppressante, que l’on cherche à fuir sans cesse. Où règnent trafic et pollution.

Les échappées sont vitales. Ces fugaces escapades dont on voudrait qu’elles ne s’arrêtent jamais. Ces après-midis de calme passées à contempler le silence. Alors qu’on était toujours rattrapé à un moment ou à un autre, à partir de Smokin’ For Shootin’ qui fait suite au tendu, enlevé et réussi Remnants, on fuit pour tout oublier. On entend une dernière fois ce qui semble ressembler à de stridentes sirènes de police qui font place au vent. Et cette fois-ci est la bonne. On s’oublie, on se vide. Les évanescents répits passés vont maintenant pouvoir s’éterniser.

Good Intentions et ses 8 secondes permettent de reprendre son souffle après cette course effrénée contre cette suffocante atmosphère urbaine.

En ce mois de juin qui devait s’annoncer calme, les américains de My Morning Jacket viennent d’envoyer un signal fort. Oui, on peut survivre à un chef d’œuvre. C’est même une nouvelle carrière qui commencent pour eux. Oubliez son glorieux ainé pour avancer. Evil Urges a tout d’une renaissance. Sublime et idéale. Peut-être juste un ton en dessous de Z. Ou tout simplement différent. Y donc. C’est parfait.

mardi 27 mai 2008

Xiu Xiu - Women As Lovers




Quand on a appris que Xiu Xiu publiait en ce début d’année un nouvel album, on n’a pas sauté comme des fous sur les murs avec un déguisement de lapin rose. Et même pour être honnête, on ne savait même pas que le collectif californien avait sorti l’un des albums les plus passionnants de cette année 2008.

On en attendait forcément un. Un album qui une bonne fois pour toutes nous ferait ranger au placard les palpitants Strawberry Jam et Personnal Pitch d’Animal Collective et de Panda Bear paru l’an dernier. On a presque commencé a désespérer lorsque soudain, en ce mois de mai plus calme que les derniers, on a eu la bonne idée de revenir en arrière pour se pencher sur ce disque à la pochette aussi superbe qu’énigmatique.

En auditeur conquis bien que suivant de plus ou moins loin les réalisations de Chou Chou, puisque cela doit se prononcer ainsi, il me semble avoir écouté au moins une fois chacun des captivants albums de la bande à Jamie Stewart. Captivants mais tous plus ou moins difficiles d’accès même si The Air Force en 2006 ouvrait déjà la voie a des morceaux plus évidents. Car malgré toutes leur trésors cachés, passer un disque de Xiu Xiu n’était pas forcément le premier réflexe que l’on pouvait avoir au saut du lit. Le moins que l’on puisse dire c’est que Women As Lovers comble cette lacune qui n’en était pas forcément une. Pour la première fois, on est conquis dès les premières secondes. Plus accessibles, les compositions restent toujours aussi foisonnantes de sons, exaltantes et complexes. Car même si la sortie est plus évidente à trouver que par le passé, le labyrinthe formé par les 14 pièces de Women As Lovers n’en est pas moins sibyllin, brumeux, fascinant et riche en surprise.

L’ambiance tendue, presque écrasante fait immédiatement penser à Why ?, génial fer de lance du label Anticon. Le livret, gentillement fourni avec l’album ne fait que parfaitement confirmer ces adjectifs. Il illustre parfaitement l’ambiance malsaine qu’il règne dans cette jungle inextricable. Une série de clichés de femmes soumises à des séances de tortures. Charmant. Comme toujours avec Xiu Xiu le classieux esthétisme de l’ensemble évite le "voyeurisme TF1". En plus de cela, il permet de mettre en lumière tout les tourments de la vie de Jamie Stewart. Arrivé à ce stade on le comprends clairement. Women As Lovers , n’est pas un charmant voyage dans un monde multicolore où l’on passera des journées à manger des chocapics en regardant des arc-en-ciel. Bon.

Mais si il ne respire pas la joie de vire, cet album a d’autres arguments à faire valoir. A commencer par la voix qui est la raison essentielle de l’admiration que beaucoup portent à ce groupe. Fragile une seconde, colérique celle d’après. Parfois triste ou désespérée mais invariablement agitée. A part ce premier extrait I Do What I Want When I Want et son zoli saxo un peu facile, on ne voit rien de bien enjoué dans cette ballade fantasmagorique ou effrayante au cœur de l’univers d’un des groupes les plus singuliers de la scène actuelle. Décrire ce que l’on ressent à l’écoute de ces ambiances feutrées et plombées serait une vaine expérience. On ne sait nous même plus trop. Car c’est l’auditeur lui-même qui se doit de découvrir cet oppressant monde dessiné par Jamie et ses compagnons. On se perd petit à petit, on se fond dans ces mouvances élégantes d’une sombre beauté.

Aucune fausse note si l’on omet, peut-être, cette reprise d’Under Pressure qui malgré tout ce qu’elle peut avoir d’agaçante n’est même pas si désagréable que ça. Sinon tout est fascinant. Comme à chaque fois. Une œuvre à part profondément singulière et ancrée dans notre époque de part ses thèmes modernes et dérangeants. L’horreur de Guantanamo, les enfants soldats ou encore l’homosexualité. On découvre au fil des pistes la vraie personnalité du personnage. Au bout des 14 titres, un constat s’impose. Jamie Stewart est l’un des songwritters majeurs de la scène américaine.

Le disque de Xiu Xiu est une nouvelle fois sorti dans une relative anonymat. Et après tout ce n’est peut-être pas plus mal. Xiu Xiu continuera quand même son bonhomme de chemin dans l’obscurité et la pénombre. Car, c’est bien connu, Jamie Stewart se brule comme un papillon au contact de la lumière. Alors, surtout ne vous ruez pas dans rayons pesant tomber sur la parle rare. Surtout n’essayez pas de combler vos lacunes. Surtout n’essayez pas d’écouter ce disque sur la foi de cette chronique ou d’une autre. Car ce disque ne changera pas vos vies. Ce disque n’est en rien le disque du siècle. Là n’est pas son ambition. C’est juste un livre fascinant qui s’ouvrira à qui sait s’y prendre. Avec le temps, une bonne gueule de bois et quelques larmes. Seulement.

mardi 20 mai 2008

The Brian Jonestown Massacre - My Bloody Underground



Chroniquer My Bloody Undergound, 12e disque du Brian Jonestown Massacre est une vraie épreuve. Le dernier né de la bande à Anton Newcombe, savant fou illuminé du rock, est un vrai chemin de croix. Un disque raté comme pas deux, sans queue ni tête. Mais pourtant et comme à chaque fois, le voyage est nécessaire. Prêt pour le grand saut ?


Il y eut de tout temps des disques que l’on qualifia de White Light/ White Heat moderne. Aucun ne méritait réellement ce qualificatif. Jusqu’à My Bloody Underground. C’est sans nul doute le disque le plus mal enregistré de l’histoire. A peine si le Metal Music Machine de Lou Reed arrive à l’égratigner. Des instruments désaccordés. Des couplets sans aucun sens. Des larcens de guitares mal contrôlés. Tout ce bordel forme un brouhaha indescriptible. Un mur du son impénétrable que l’on ne peut que regarder. Sans comprendre. On savait déjà qu’Anton Newcombe n’était pas quelqu’un à la personnalité très équilibrée. Mais l’homme a déménagé. Exilé en Islande, terre de Björk ou Sigur Rós, dans ce pays de feu et de glace, coupé du monde, sans rien, il va encore plus mal.

Anton. Le roi du sabotage médiatique. L’homme à qui les journalistes qui sont arrivés à tirer une interview cohérente sont décorés de la légion d’honneur. Un corps présent sur Terre, mais un esprit qui a depuis bien longtemps pris la fuite. Un personnage singulier. Que seul Lester Bangs s’il était encore là aurait peut-être compris. Un homme qui peut être froid et terrifiant une seconde. Puis vous tomber dans les bras celle d’après. Un roc que même l’alcool, la drogue ou le temps n’affectent pas. Un illuminé qui a donc pondu des disques. Excellents même parfois. Puis il y a celui-ci aussi. L’apologie du bruit ou du néant. Au choix.

Une expérience. Une vraie. Ce disque est dingue. Un poison. A faire passer The Warlocks ou Joy Division pour de joyeux fêtards. Vide. Ni mélodie. Ni mixage. Ni production. La voix pleure. S’entend à peine. Rien. Une plongée dans les méandres de l’esprit du musicien le plus fou de ces 15 dernières années. Une chute libre qui n’en finit plus. Voilà maintenant prévenu l’auditeur qui voudrait s’attaquer à ce singulier opus. Car le voyage n’est pas donné à tout le monde. Il y aura deux catégories de personnes. Ceux qui iront jusqu’au bout et les autres. Pour les premiers, cet enfer aussi gigantesque qu’impénétrable sera une expérience unique. Une odyssée puant le bad-trip à plein nez. Une expédition au cœur du vide dans laquelle ils se jetteront sans cordes ni filet. Les autres, eux, quitteront le navire dès la première plage, effrayés par cette montagne qui se dresse devant eux, orageuse et noire. Comme ils ont bien fait.

Car ici rien ne transparait de cette masse difforme qui avance sans que l’on n’y puisse rien. Rien. Rien. Ou si peu. Une ballade au piano toute en fausses notes et une chanson au titre imprononçable (Ljosmyndir). Sinon le néant absolu. My Bloody Underground est sans conteste un gigantesque manqué. Il n’en est pas pour autant inerte ou sans intérêt. Il est même passionnant. On rentre dans la tête d’un génie fou à lier que l’alcool, la solitude, la folie ou peut-être même tout cela à la fois a poussé à la dérive. Ce disque est peut être un appel au secours, caché sous ses Himalayas de distorsions et ses Fosses des Mariannes du vide.

Car cet album est inquiétant. Oppressant. Il ressemble à un manoir abandonné depuis des années. On y entre sur la pointe des pieds. La peur au ventre. Mais on n’en sort pas. Trop attiré par ce naufrage. On écarte les planches de bois brisées et la crasse qui s’est empilée comme les couches d’instruments. Car ici tout n’est que poussière. Newcombe jubile. Il sent que la victoire sur l’auditeur piégé comme une fourmi dans une toile, se rapproche à chaque pas que l’on effectue. Puis, quand à la suite d’une glissade maladroite, qui traduit naïvement notre angoisse, on tombe, c’est pour ne plus jamais se relever. Blackout. Le noir nous entoure. On ne voit plus rien. La rythmique joue plus vite. Plus fort. Dans cette chute, cet oubli vers nulle part et partout ailleurs, le vide n’a jamais paru aussi dense. On est attiré dans un Trou Noir. 10 minutes de Black Hole Symphony. Tout se perd. Où sont le haut, le bas ? De l’air ! De l’air ! On suffoque.

C’est terminé. Terminé. Enfin. Calme.

Comme par miracle, nos quelques sens restant reviennent. Miracle. Comme ce disque d’outre-tombe d’un homme déjà mort depuis longtemps. Parvenue à nous alors que l’on pensait qu’il ne restait plus rien, la lumière. Enfin. On ne sait d’où elle arrive mais on court vers elle. Dans un dernier effort qui sonne comme un chant du cygne, Newcombe tente de nous accrocher la jambe. En vain. On se réveille en sueur. Haletant. Le disque est terminé. Non c’est plus que le disque. On vient de vivre la mort du Roi. Rien ne sera plus jamais comme avant.

Et quand on repose la pochette dans la discothèque pensant que tout est terminé, on entend un dernier cri. On aperçoit un sourire narquois et démoniaque. On hurle. Le noir se fait de nouveau. Et tout repart.